Conférence Débat du 8 février 2019 : "Retour sur Notre Dame des Landes et les médias, un an après"
Animation : Patrice Saint-André, avec la participation de journalistes nantais :
Florence Pagneux, Correspondante de La Croix pour le grand Ouest
Christophe Jaunet, journaliste à la rédaction nantaise d'Ouest France
Thibault Dumas, président du club de la presse de Loire-Atlantique, correspondant du Figaro
« Quand un tel sujet exacerbe les passions au-delà du raisonnable, quand chaque mot écrit est pesé, analysé, interprété, voire déformé, il est fortement conseillé de prendre de la distance ».
Christophe Jaunet, propos relaté par Patrice Saint-André
1 - Comment avez-vous traité le sujet ?
Peu de demandes des journaux parisiens avant que Jean-Marc Ayrault soit à Matignon, en 2012. A Ouest-France, trois journalistes ont été affectés pour suivre la question. Ils se relayaient, parfois épaulés par d’autres. Aujourd'hui, une veille permanente est maintenue même s’il n’y a plus d'articles quotidiens. On parle maintenant de Nantes-Atlantique et ce n’est pas fini …
2 - Quelles difficultés ?
Mur de silence du côté des porteurs du projet, notamment les élus et Vinci, client de l’Etat, du fait des consignes de silence de l’État. « Aucune communication de l’Etat sur ce dossier ».
Estimant ne pas avoir à se justifier face aux opposants, les pro-aéroport ne répondaient pas aux sollicitations des journalistes … Jacques Auxiette a été le premier à s’en affranchir.
Parmi les partisans du nouvel aéroport, le Président des Ailes pour l’Ouest, Alain Mustière, très disponible, a beaucoup donné de sa personne.
Chez les opposants les associations désiraient, elles, communiquer. Même les zadistes, à condition de bien leur expliquer la démarche, et de donner la parole à tout le monde, sans prendre parti, ce qui n’empêchait pas des billets ou des commentaires.
Pas facile dans ces conditions d’aller au-delà de ce qu’on voulait bien dire aux journalistes, de vérifier, de recouper, d’écrire des articles équilibrés.
Autre difficulté, les éléments techniques du dossier, notamment le plan des nuisances sonores.
3 - Avez-vous eu des pressions ou des menaces ?
Oui pour Christophe Jaunet de Ouest France : « on finit par devenir un acteur du dossier »
Il y a eu beaucoup de courriers ou de commentaires sur le site de La Croix, indique Florence Pagneux. C’est du même ordre que pour la réunification de la Bretagne, souligne Thibault Dumas.
Ouest France a dû arrêter le courrier des lecteurs sur ce sujet, sauf si les lettres apportaient des éléments complémentaires aux articles.
4- Pourquoi le projet de transfert a-t-il été abandonné ?
Alain Mustière, Président des Ailes pour l'Ouest, s’interrogeait il y a peu : « Qu’avons-nous loupé ? Les violents ont gagné, la démocratie a perdu ».
Pour les trois journalistes présents, il est normal qu’Alain Mustière dise que l’annulation vient d’une peur de violences plutôt que du projet de transfert lui-même, mais, néanmoins, la question de l'ordre public a été très importante. La Préfète a balisé les choses de ce point de vue et Edouard Philippe a affirmé que c’était une des deux raisons qui justifiaient la décision de l'Etat : dans une période de risques terroristes, on a voulu éviter des troubles lors des travaux.
5 - La bataille des chiffres
58 000 mouvements d'avions et 6,2 millions de passagers en 2018, sans doute 7 à la fin de l’année à Nantes Atlantique. En 2019, on observe déjà les chiffres, prévus en 2013, pour 2025 par la DGAC, la Direction Générale de l’Aviation Civile, un service de l’Etat. A noter qu’il n’y avait pas de prévisions avant cette date. La DGAC n’a pas voulu réactualiser ces chiffres et il est clair maintenant qu’elle a sous-estimé l’augmentation du trafic.
Le journaliste n’est pas un expert, il doit faire avec les chiffres proposés. Mais en 2017 la mission de médiation a aussi retenu ces chiffres sous estimés.
On ne sait toujours pas jusqu’à quelle date Nantes Atlantique réaménagé pourra absorber le trafic. Les compagnies low-cost ont de grandes ambitions. Transavia par exemple vise 30 % de plus pour l’année. Si le low-cost se démocratise autant que le moyen courrier, le trafic augmentera beaucoup, mais le low-cost c’est très fluctuant. Ouvrir une ligne vers Tel Aviv augmente la zone de chalandise au-delà de l’Ouest, ce serait pareil s’il y avait des vols pour New York.
6 - Où en est-on du plan de réaménagement de Nantes Atlantique ?
Prévisions : en juin-juillet une concertation, déjà retardée, est prévue. L'’Etat doit trancher, mais les études environnementales ne seront prêtes qu’en fin d'année et certains voudraient attendre ces données pour la consultation, voire attendre le résultat des municipales …
Le changement de concessionnaire ne se faisant qu’en 2021, le réaménagement ne pourrait commencer qu’en 2022-25. D’ici là, quelques travaux de confort pour passagers.
Le front des anciens pro-NDDL se fissure, les élus locaux divergeant avec les milieux économiques car les premiers doivent protéger la population qui vote, alors que les seconds veulent développer l'aéroport Nantes-Atlantique.
5 scénarios sont envisagés pour Nantes-Atlantique (hors futur transfert) dont deux allongements de la piste de 400 ou 800 mètres, notamment pour voler plus haut sur la ville, et des changements d’orientation de la piste, pour un coût de 500 M d’euros.
La capacité d’un aéroport c’est moins un problème de piste principale que de dégagements latéraux, d’aérogare et d’équipements d’accueil.
La question des accès est aussi cruciale. Pour le tramway, passer le périphérique coûte cher. Doubler la voie de train aussi et c’est long. A court terme on peut s’attendre à une simple amélioration des navettes routières.
7 – Pourquoi Jean-Marc Ayrault, premier ministre, n’a-t-il pu aboutir à la réalisation de NDDL?
« J-M Ayrault ne décidait pas, c’est le Président de la République » qui décidait, et quand il était premier ministre , on lui disait qu’il n’était pas là pour « régler ses problèmes locaux » (cf. Arnaud Montebourg).
De plus, la société a changé depuis que le projet a été engagé en 1974 et repris en 2 000.
La consultation : le référendum régional n’est pas prévu par la constitution en France. Il en serait de même pour les limites de la Bretagne
Florence Pagneux, Correspondante de La Croix pour le grand Ouest
Christophe Jaunet, journaliste à la rédaction nantaise d'Ouest France
Thibault Dumas, président du club de la presse de Loire-Atlantique, correspondant du Figaro
« Quand un tel sujet exacerbe les passions au-delà du raisonnable, quand chaque mot écrit est pesé, analysé, interprété, voire déformé, il est fortement conseillé de prendre de la distance ».
Christophe Jaunet, propos relaté par Patrice Saint-André
1 - Comment avez-vous traité le sujet ?
Peu de demandes des journaux parisiens avant que Jean-Marc Ayrault soit à Matignon, en 2012. A Ouest-France, trois journalistes ont été affectés pour suivre la question. Ils se relayaient, parfois épaulés par d’autres. Aujourd'hui, une veille permanente est maintenue même s’il n’y a plus d'articles quotidiens. On parle maintenant de Nantes-Atlantique et ce n’est pas fini …
2 - Quelles difficultés ?
Mur de silence du côté des porteurs du projet, notamment les élus et Vinci, client de l’Etat, du fait des consignes de silence de l’État. « Aucune communication de l’Etat sur ce dossier ».
Estimant ne pas avoir à se justifier face aux opposants, les pro-aéroport ne répondaient pas aux sollicitations des journalistes … Jacques Auxiette a été le premier à s’en affranchir.
Parmi les partisans du nouvel aéroport, le Président des Ailes pour l’Ouest, Alain Mustière, très disponible, a beaucoup donné de sa personne.
Chez les opposants les associations désiraient, elles, communiquer. Même les zadistes, à condition de bien leur expliquer la démarche, et de donner la parole à tout le monde, sans prendre parti, ce qui n’empêchait pas des billets ou des commentaires.
Pas facile dans ces conditions d’aller au-delà de ce qu’on voulait bien dire aux journalistes, de vérifier, de recouper, d’écrire des articles équilibrés.
Autre difficulté, les éléments techniques du dossier, notamment le plan des nuisances sonores.
3 - Avez-vous eu des pressions ou des menaces ?
Oui pour Christophe Jaunet de Ouest France : « on finit par devenir un acteur du dossier »
Il y a eu beaucoup de courriers ou de commentaires sur le site de La Croix, indique Florence Pagneux. C’est du même ordre que pour la réunification de la Bretagne, souligne Thibault Dumas.
Ouest France a dû arrêter le courrier des lecteurs sur ce sujet, sauf si les lettres apportaient des éléments complémentaires aux articles.
4- Pourquoi le projet de transfert a-t-il été abandonné ?
Alain Mustière, Président des Ailes pour l'Ouest, s’interrogeait il y a peu : « Qu’avons-nous loupé ? Les violents ont gagné, la démocratie a perdu ».
Pour les trois journalistes présents, il est normal qu’Alain Mustière dise que l’annulation vient d’une peur de violences plutôt que du projet de transfert lui-même, mais, néanmoins, la question de l'ordre public a été très importante. La Préfète a balisé les choses de ce point de vue et Edouard Philippe a affirmé que c’était une des deux raisons qui justifiaient la décision de l'Etat : dans une période de risques terroristes, on a voulu éviter des troubles lors des travaux.
5 - La bataille des chiffres
58 000 mouvements d'avions et 6,2 millions de passagers en 2018, sans doute 7 à la fin de l’année à Nantes Atlantique. En 2019, on observe déjà les chiffres, prévus en 2013, pour 2025 par la DGAC, la Direction Générale de l’Aviation Civile, un service de l’Etat. A noter qu’il n’y avait pas de prévisions avant cette date. La DGAC n’a pas voulu réactualiser ces chiffres et il est clair maintenant qu’elle a sous-estimé l’augmentation du trafic.
Le journaliste n’est pas un expert, il doit faire avec les chiffres proposés. Mais en 2017 la mission de médiation a aussi retenu ces chiffres sous estimés.
On ne sait toujours pas jusqu’à quelle date Nantes Atlantique réaménagé pourra absorber le trafic. Les compagnies low-cost ont de grandes ambitions. Transavia par exemple vise 30 % de plus pour l’année. Si le low-cost se démocratise autant que le moyen courrier, le trafic augmentera beaucoup, mais le low-cost c’est très fluctuant. Ouvrir une ligne vers Tel Aviv augmente la zone de chalandise au-delà de l’Ouest, ce serait pareil s’il y avait des vols pour New York.
6 - Où en est-on du plan de réaménagement de Nantes Atlantique ?
Prévisions : en juin-juillet une concertation, déjà retardée, est prévue. L'’Etat doit trancher, mais les études environnementales ne seront prêtes qu’en fin d'année et certains voudraient attendre ces données pour la consultation, voire attendre le résultat des municipales …
Le changement de concessionnaire ne se faisant qu’en 2021, le réaménagement ne pourrait commencer qu’en 2022-25. D’ici là, quelques travaux de confort pour passagers.
Le front des anciens pro-NDDL se fissure, les élus locaux divergeant avec les milieux économiques car les premiers doivent protéger la population qui vote, alors que les seconds veulent développer l'aéroport Nantes-Atlantique.
5 scénarios sont envisagés pour Nantes-Atlantique (hors futur transfert) dont deux allongements de la piste de 400 ou 800 mètres, notamment pour voler plus haut sur la ville, et des changements d’orientation de la piste, pour un coût de 500 M d’euros.
La capacité d’un aéroport c’est moins un problème de piste principale que de dégagements latéraux, d’aérogare et d’équipements d’accueil.
La question des accès est aussi cruciale. Pour le tramway, passer le périphérique coûte cher. Doubler la voie de train aussi et c’est long. A court terme on peut s’attendre à une simple amélioration des navettes routières.
7 – Pourquoi Jean-Marc Ayrault, premier ministre, n’a-t-il pu aboutir à la réalisation de NDDL?
« J-M Ayrault ne décidait pas, c’est le Président de la République » qui décidait, et quand il était premier ministre , on lui disait qu’il n’était pas là pour « régler ses problèmes locaux » (cf. Arnaud Montebourg).
De plus, la société a changé depuis que le projet a été engagé en 1974 et repris en 2 000.
La consultation : le référendum régional n’est pas prévu par la constitution en France. Il en serait de même pour les limites de la Bretagne
8 - Les nuisances
Après 2012 on a encore promis aux riverains que l’aéroport allait être transféré, donc pas d’organisation représentant les riverains.
9 - La médiation de 2017-18
Il n’y avait pas d’étude pour un plan B, à savoir le réaménagement de Nantes Atlantique ; c’est pour cela que les médiateurs ont dû en réaliser une qui se voulait factuelle, sans préconisation (ils y évoquent peu NDDL, ayant estimé que l'étude avait été faite par les promoteurs du projet)
10 – L'importance des images
Une photo publiée par Ouest France a soulevé des interrogations : la préfète trinquant après l’annonce de la décision, avec des opposants à NDDL (pas des zadistes mais des paysans « historiques »). Pour Christophe Jaunet, pas d'hésitation pour cette publication dans le journal.
En revanche celles de zadistes montrant leur postérieur n’est restée qu’une demi-heure sur le site d'Ouest France.
11 – Les erreurs de communication
Laisser s’installer dans l’opinion et les médias, l’appellation « Aéroport de Notre-Dame-des-Landes » au lieu d « Aéroport du Grand Ouest »a été une grossière erreur de communication souligne une auditrice. La perception bucolique d’un village autour de son clocher et ses landes, ne pouvait qu’inspirer la sympathie face aux « bétonneurs ».
12 - Camille pseudo unique zadiste : pourquoi avoir accepté ?
C’était ça ou rien. Camille, c’est fini maintenant, la majorité des zadistes sont partis, il ne reste que ceux qui ont un projet local, et ils ont intérêt à se montrer à visage découvert …
La presse est de plus en plus confrontée à des demandes de témoignages anonymes . Mais, les journalistes savent qui les informe et ils ne publient pas de lettre anonyme, changent des prénoms. Plus gênantes sont les cagoules…
13 - A bientôt pour le regroupement du CHU sur la pointe de l’île de Nantes ?
Un autre dossier local pourrait bien enflammer l'opinion : zone inondable, pas d’extension possible, deux fois moins de lits, une logique de décision technocratique …
Un sujet encore plus technique, donc difficile à médiatiser.
Notes de Jean-Pierre Benoit, complétées par Jean-Claude Charrier et Patrice Saint-André
(11-02-2019)
Mis à jour le 22 mars 2022.